vendredi 22 juin 2012

Comment Cernwen reçut sa cicatrice sur la tempe

[Encore un repost de mon blog de lecture. Post datant de novembre 2011]
Voici la nouvelle que j'ai écrite pour le concours de nouvelles en Terre du Milieu, que j'avais lancé il y a un peu plus d'un mois.
On y rencontre Cernwen, le personnage que j'incarne dans Lotro, et un nain du nom d'Augdir...





    Ils étaient arrivés à un chaos de pierres granitiques, et Cernwen interrompit sa course pour se plaquer derrière l'une d'elles, surprenant Augdir qui mit quelques instants à comprendre et à en faire de même. Il s'adossa au rocher et souffla. Tout fier nain qu'il était, il ne pouvait cacher que cette course à travers les Terres Solitaires l'épuisait. En plus de son armure et de sa lourde hache, il avait insisté pour porter une grande partie des provisions. Cernwen avait beau faire le double de sa taille, il fallait avouer qu'il était bien plus robuste qu'elle.
    Tentant de maîtriser sa respiration – surtout, ne pas paraître hors d'haleine devant le nain – elle passa la tête sur un coté du rocher pour tenter d’apercevoir leurs poursuivants.

    Les orcs étaient loin mais encore en vue, bien trop proches pour qu'Augdir et elle fassent une pause. Ces saletés n'allaient pas abandonner facilement, et même s'ils les perdaient de vue, le sol caillouteux trahissait encore trop d'empreintes. Ils ne pouvaient espérer atteindre Ost Guruth avant la nuit, et alors les orcs auraient un trop grand avantage sur eux.
    Il leur fallait une cachette sûre, si possible aisément défendable.

    Scrutant l'horizon autour d'eux à la recherche d'une solution à leur problème, la jeune femme finit par remarquer au loin, rongées par la végétation, les pierres d'une ancienne route. Une de ces routes bâties jadis par l'Arnor au faîte de sa puissance, à présent presque effacées. Elles ne menaient plus qu'à des ruines, souvenirs des anciens royaumes du Nord encore disséminés à travers ces terres maintenant sauvages. Éboulées, parfois dangereuses, ces constructions pouvaient cependant offrir un peu de protection aux voyageurs... et peut être, cacher une femme et un nain en fuite.

    Cernwen posa une main sur l'épaule de son compagnon, qui hocha silencieusement la tête, et ils reprirent leur course. Ils faisaient de leur mieux pour rester hors de vue, mais les Terres Solitaires offraient peu de couverts.

    Les ruines espérées ne tardèrent pas à apparaître. Cernwen adressa un bref remerciement au ciel : elle était proche de l'épuisement et à en juger par la respiration du nain, il n'était pas en meilleure forme qu'elle. Après trois jours de captivité pour lui et un jour de recherche pour elle, ils avaient passé la plus grande partie de la journée à courir devant des orcs décidés à reprendre leur prisonnier. Un repos s'imposait.

    Le soleil n'était plus très haut à l'horizon quand Cernwen et Augdir firent leur entrée dans les ruines, non sans avoir vérifié que leurs poursuivants étaient hors de vue. L'endroit avait du être une petite ville avant d'être abandonné. Certains bâtiments de granit avaient plutôt bien résisté au temps. Il leur fallut quelque temps pour trouver une sorte de cave dont la porte était presque bouchée par des pierres et un arbuste. Avec un peu de chance, ils pourraient y passer inaperçus même si les orcs venaient à entrer dans la ville.

    Ils jetèrent leurs sacs sur le sol poussiéreux et craquelé et purent enfin s'asseoir et respirer. Avec un soupir de fatigue, Augdir retira son lourd casque et secoua sa tignasse de cheveux roux.
Après un instant de repos, Cernwen se leva à regret et, s'armant de son arc et de quelques flèches, alla s'accroupir devant l'entrée de leur refuge.
Aucun signe de leurs poursuivants.

- Bordel, Augdir, siffla Cernwen, si on m'oblige encore une fois à te tirer d'une situation impossible je... je te taille les oreilles en pointes !
- Châtiment terrible s'il en est, répondit le nain en hochant gravement la tête. Je ferai mon possible.

    Cernwen soupira et s'adossa au mur. C'était toujours pareil avec celui-là. Il fonçait sans réfléchir et cette fois les orcs avaient été plus malins que lui. Forcément, c'était elle qu'on avait choisie pour aller le chercher...
    Augdir ouvrit leur sac et entreprit de se restaurer. Les orcs lui avaient pris toutes les provisions qu'il avait eues sur lui lors de sa capture et il mourrait de faim. Il alla donner du pain et du fromage à son amie qui, inquiète, n'abandonnait pas son poste de garde.

    Ils restèrent longtemps ainsi, osant à peine savourer leur repos, s'attendant à ce que leurs poursuivants les rattrapent d'une minute à l'autre. Le soleil déclinant à l'ouest, les ruines se firent de plus en plus sombres.

- A ton avis, à quoi servait cette pièce autrefois ? Finit par demander Augdir pour faire la conversation.
    Cernwen jeta un bref regard autour d'eux.
- Aucune idée. Et honnêtement...
- Tu t'en fous.
- Gagné. Ce qui m'inquiète, c'est plutôt où sont les orcs.
- Ils ont abandonné, bien entendu, s'écria Augdir avec un grand sourire, et maintenant je suis libre ! Grâce à toi, bien sur, ajouta-t-il avec une courbette. Je suis à ton service, et à celui de ta famille, Cernwen.
- Tu l'étais déjà. C'est pas la première fois que je te sauve la peau.
    Le nain s'indigna immédiatement d'un tel manque de courtoisie.
- Ingrate femme ! J'ai sauvé la tienne au moins aussi souvent !

    Cernwen ne daigna pas répondre et reprit son observation des alentours.
    Quelque chose attira son regard. D'un geste, elle fit taire le nain. Comprenant ce qui se passait, Augdir se leva ramassa sa hache.

    Aussi discrètement que possible, Cernwen se faufila dehors.
    Quelque coups d’œils confirmèrent ses soupçons : un peu plus loin dans la ville, on avait allumé un feu.
    Rasant les murs, courbée en deux, elle fit quelques mètres.

    Autour du feu étaient rassemblés des orcs. Ils ne pouvaient pas être plus d'une dizaine, mais c'était déjà trop pour elle et Augdir.

    Elle retourna dans la ruine et raconta à son ami ce qu'elle avait vu.
 - Ce ne sont pas ceux qui nous poursuivaient. Ils devaient être cachés quelque part quand le soleil était encore haut. Les autres se sont sans doute arrêtés en nous voyant entrer ici, sur le territoire d'une autre bande.
- Bah ! Une petite dizaine ! Tonna Augdir, s'emparant de sa hache. Ce n'est pas ça qui va nous faire peur ! Prends ton arc, et allons leur montrer qui nous sommes !
- Non. On va rester ici, attendre l'aube, et quand ils seront retournés se cacher on se tirera discrètement.
    Le nain regarda son amie, blessé.
- Vous les Hommes, vous n'avez aucun sens de l'héroïsme.
- Je suis là pour te sortir de guêpier où tu t'es fourré, pas pour mourir inutilement !
    Des voix orcs se firent entendre dehors. A quelques mètres de là, deux sentinelles bavardaient dans leur dialecte, déjà ennuyées par leur ronde.
Avec un grand sourire, Augdir souleva sa hache et se rua vers l'entrée.

- BARUK KHAZAD !

    À ce cri, les sentinelles sursautèrent mais ne purent réagir à temps. En trois coups de hache, elles étaient à terre dans une mare de sang noir.

    Cernwen mit un instant à réaliser ce qui se passait, puis, maudissant le nain et sa famille pour des centaines de générations, elle sortit de leur refuge. Son arc ne servirait à rien dans la salle.

    Elle se plaça quelques pas derrière Augdir dans la rue en ruines et encocha une flèche. Le reste du groupe orc, alerté autant par le cri du nain que ceux des sentinelles, s’avançait vers eux. Si certains courraient en criant vers les deux intrus, d'autres restaient un peu en arrière, ayant l'intelligence d'observer l'ennemi avant d'attaquer.
    C'était ceux-là que Cernwen comptait tuer au plus vite. Un orc intelligent n'est pas un adversaire agréable.
    Elle lâcha la corde de son arc et la flèche fila. Sa cible ne put l'éviter et s'effondra au sol.

    Puis ce fut le choc entre Augdir et les trois orcs qui courraient en tête.
    Poussant à nouveau son cri de guerre, le nain fit tournoyer sa hache, forçant ses assaillants à reculer. L'un d'eux poussa un cri de douleur quand l'acier ouvrit une large plaie dans sa cuisse. Tombant au sol, il dirigea un violent coup d'épée vers son adversaire. Le casque d'acier nain détourna la lame, et Augdir put achever l'orc d'un coup de hache bien ajusté en pleine gorge avant de se tourner vers les deux autres.

    Ils n'ont jamais combattu un nain, se dit Cernwen. S'ils avaient tous attaqué en même temps, ils auraient eu une chance, mais maintenant... Elle oubliait trop facilement à quel point Augdir pouvait être impressionnant quand il se battait.
    Les orcs étaient assez dispersés pour qu'Augdir n'aie pas trop d'adversaires en même temps, et pour que Cernwen ne manque pas de cibles.
    Ils avaient une chance de s'en sortir. Du moins, c'est ce qu'elle voulut espérer tandis qu'elle lâchait son deuxième trait.
    La flèche s'enfonça profondément dans le visage de l'archer orc le plus proche.
Pas exactement là où je visais, mais ça marche bien aussi.
Elle tira une troisième flèche de son carquois.

    Les deux archers orcs restants n'avaient pas tardé à la prendre pour cible, et elle dut éviter quelques flèches avant de lancer la sienne. À six mètres de là, Augdir abattait sa hache en hurlant. Il était maintenant au centre d'une mêlée comptant pas moins de quatre orcs, et pourtant il ne semblait ni blessé ni fatigué. Cernwen le connaissait même assez pour savoir qu'il s'amusait prodigieusement. La mort n'avait jamais inquiété Augdir, chose assez désagréable pour ses camarades condamnés à le secourir à chaque fois qu'il se surestimait.

    Cernwen tira à nouveau la corde de son arc, visant le dernier archer qui, réalisant qu'il était la seule cible disponible, courut se mettre à couvert.
Seul un surprenant instinct de survie la sauva de l'épée qui s'abattit sur elle. Elle n'avait vu venir l'orc qu'au dernier moment, et s'était laissée tomber dans la poussière, évitant de peu la trajectoire de la lame.
    Elle roula sur elle même plusieurs fois, abandonnant son arc, tentant de mettre un peu de distance entre elle et son assaillant.
    Elle en eut juste assez pour tirer son épée. Encore à genoux, elle parvint à parer le coup qui aurait du la décapiter. Un éclat de douleur à l'épaule droite lui apprit qu'elle n'avait pas réussi à esquiver entièrement la première attaque.

    L'orc était grand et fort, son armure aussi bonne qu'elle pouvait l'être pour un orc des terres solitaires. Cernwen eut à peine le temps de réaliser qu'elle avait affaire au chef avant qu'il n'attaque à nouveau.
    Le duel s'engagea. Sa rapidité permettait tout juste à Cernwen de parer ou d'éviter les coups sauvages de son adversaire, et de lui rendre la pareille de temps à autres. Son épaule blessée se faisait sentir, et elle savait que se habits de cuir ne lui offriraient pas la moindre protection contre la force des attaques de l'orc. Tentant de maintenir une bonne distance entre elle et lui, elle céda rapidement du terrain.
    Pas à pas, l'orc l'éloignait d'Augdir. Elle s'en rendait bien compte, mais ne pouvait rien y faire : cesser un instant de reculer, c'était mourir.
    Il n'eut même pas à l'acculer contre un mur.
    Il leva son épée avec un cri féroce, elle leva la sienne pour parer. Le choc entre les deux lames fut terrible – et celle de Cernwen brisa avec un bruit sec.
    L'impact et la surprise déséquilibrèrent l'archère. Elle sentit l'acier orc lui entailler profondément la joue gauche et sa tête heurta violemment le sol.
Sonnée, elle vit à peine l'orc qui levait à nouveau sa lame au dessus d'elle.
Elle entendit à peine le cri qui devait la sauver.

- Khazaaaad !

***

- Tiens tiens, te revoilà !
    Cernwen leva péniblement la tête et tenta un sourire.
    Adossé à un mur, Augdir nettoyait méticuleusement son plastron. Son casque et ses épaulières étaient déjà vierges des taches de sang noir qu'il détestait tant.
    Elle sentit sa tête tourner et la laissa retomber au sol.
    Je suis vivante. Je vois un toit en pierre, donc nous sommes encore dans ces ruines. J'ai mal au crâne et...
    Elle leva la main vers son visage. Il était à moitié recouvert par un bandage de fortune.
    Augdir laissa son armure et se pencha sur elle.

- On peut dire qu'il était moins une. Il va falloir que je t'apprenne à te battre vraiment, ma petite.
    Elle n'eut pas la force de lui répondre autrement que par un grognement.
- T'as de la chance de pas avoir perdu un œil. Tu auras juste une vilaine cicatrice. Ça vaut pas une belle barbe, mais ça t'arrangera déjà un peu.
    Elle ferma les yeux, renonçant à essayer de retourner les traits d'esprit dans un état pareil.
- En même temps, si tu te bats avec une camelote pareille, ça peut pas aller bien loin.
    Il tenait la garde de ce qui avait été son épée. 
- Dale. Depuis quatre ans que tu voyages chez nous, t'as pas trouvé mieux ?

   Elle ne répondit pas, mais ce qui s'était passé lui revint en mémoire. Son épée, brisée... Cette lame qui avait été forgée pour elle par son père, dans sa petite forge de Dale...

- J'ai encore sauvé ta peau, mais je suis quand même à ton service pour m'avoir libéré, alors quand on aura trouvé un forgeron digne de ce nom je vais te faire un cadeau. Une épée, une vraie, forgée par des nains. Tu vas voir. En attendant, secoue toi, j'aimerai être à Ost Guruth avant la nuit !

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